L’He Jérémie Adomahou à propos des objectifs du code électoral révisé : « Renforcer l’unité nationale et donner plus d’envergure aux partis politiques »

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Le sujet qui fait l’actualité au Bénin ces derniers jours reste la révision du code électoral. Pour les uns, cette nouvelle loi est taillée sur mesure pour exclure certains acteurs politiques. Pour d’autres, il renforce le système partisan. C’est d’ailleurs l’avis de Jérémie Adomahou, député de la 12e circonscription électorale (Dogbo-Lalo-Toviklin), natif de la commune de Lalo, membre du groupe parlementaire Union Progressiste (UP) Le Renouveau. L’élu du Couffo siège également au parlement de la CEDEAO et est actuellement le président du Réseau des Parlementaires Africains pour l’Evaluation et le Développement (APNOD). Dans une interview exclusive accordée au quotidien LE POTENTIEL, il est revenu dans les détails sur les innovations apportées au code, tout en appelant les acteurs politiques à éviter l’intoxication.

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Le Potentiel : D’où est partie l’idée de la révision du code électoral ?

Jérémie Adomahou : La Cour Constitutionnelle dans sa décision du 4 janvier 2024 nous demandait déjà de régler le problème de l’égalité entre les parrains maires. En dehors de cette décision de la Cour, à l’approche de chaque élection, on analyse ce qu’il faut améliorer dans le code pour davantage renforcer la démocratie. En dehors de nous députés, la CENA après l’évaluation de la mise en œuvre du code révisé de 2019, a transmis à la commission des lois de l’Assemblée nationale quelques observations à prendre en compte dans une éventuelle relecture du code. Nous avons aussi des Organisations de la Société Civile (OSC) qui ont fait des observations. Tout ça mis ensemble, il était nécessaire pour nous de revisiter le code et de voir ce qu’il y a à améliorer pour les élections futures, notamment celles de 2026.

Quelles sont les innovations contenues dans le code électoral révisé le 5 mars dernier ?

Les innovations sont nombreuses. D’abord, il faut noter que l’objectif de cette seconde relecture du code est de renforcer le système partisan, donner plus de force et d’envergure aux partis politiques. Impliquer les partis dans la gestion politique de l’Etat. Si on perd de vue cet objectif et tous les amendements au code, on peut mal comprendre. Il y a près d’une quarantaine d’amendements qui ont été apportés mais il n’y a que 8 à 10 articles phares qui sont liés au renforcement du système partisan. Les autres articles qui ont connu d’amendement, de modification ou de complément sont des observations de la CENA et de la société civile pour l’organisation opérationnelle des élections.
Les points phares qui renforcent le système partisan et la gouvernance politique de notre Etat sont de trois (03) volets. Il y a des articles pour les règles particulières de l’élection du président de la République qui sont au nombre de 5 : articles 132 nouveau, 135 nouveau, 138 nouveau, 139 nouveau et 142 nouveau. Ce qu’il faut retenir dans ces articles, c’est le pourcentage pour le parrainage. Dans l’ancien code, c’était prévu 10% des élus députés et maires. Lorsqu’on fait le point, on est autour de 186 élus (Députés + Maires) et les 10% donnaient 19 parrains. Nous avons cherché à augmenter un peu pour davantage renforcer. Non pas pour empêcher qui que ce soit, mais c’est pour permettre aux éventuels candidats aux élections présidentielles d’avoir des parrains dans une large mesure au niveau de l’ensemble du territoire, couvrir le maximum de circonscriptions électorales. C’est pour cela qu’au niveau de cet article, nous sommes passés à 15% de parrains mais dans les 3/5e de circonscription électorale qui sont évaluées à 15. Ce qui fait environ 28 parrains (Députés et/ou maires). C’est pour que les politiques que nous sommes s’impliquent dans la désignation, le choix, l’accompagnement morale des futurs candidats pour les élections présidentielles. C’est pour que ces candidats une fois élus sachent qu’ils dépendent d’une large partie des populations. Ça permet au futur président de savoir qu’il a une grande majorité du territoire national qui l’a porté, et donc il doit avoir un regard sur l’ensemble du territoire.
Mais nous avons rajouté au niveau de l’article 132 que le député ou le maire ne peut plus parrainer n’importe quel candidat. C’est ce qui amène certains à dire qu’ils ne sont pas libres. Pour renforcer le système partisan, tu ne peux pas être candidat sur une liste pour les élections communales ou législatives, tu deviens député ou maire de ce parti ; et lorsqu’il s’agit de parrainer pour les élections présidentielles, le parti désigne un candidat et tu le laisses au nom de la liberté pour aller donner ton parrainage à un candidat qui n’a aucun lien avec le parti. Cette attitude rétrograde l’objectif final du système partisan. Dans ce même article, nous avons exigé que le député ou le maire parraine un candidat, membre ou désigné de son parti politique qui l’a présenté pour qu’il soit maire ou député. Il y a aussi un alinéa qui donne une ouverture à l’accord de gouvernance. Lorsque 2 ou 3 partis ont un accord de gouvernance, le député ou le maire peut parrainer un candidat de l’autre parti qui est en accord de gouvernance avec son parti.
Toujours s’agissant des règles particulières des élections présidentielles, l’article 135 nouveau fixe la date du dépôt des candidatures pour l’élection du président de la République. Souvenez-vous que la Cour Constitutionnelle a demandé qu’on règle le problème de l’égalité entre les maires. Que ce soit les maires/députés actuels qui parrainent le candidat à l’élection présidentielle, ou ceux qui seront élus en 2026. Nous avons fait le choix des députés et maires actuellement en exercice. Pour régler le problème de l’égalité que mon parti UP le Renouveau a tout le temps souligné, c’est qu’il ne faut pas que les députés et maires actuels soient en train de parrainer pendant que les élections ont déjà eu lieu où il y a déjà certains qui ne sont pas candidats, ou bien il y a déjà un successeur désigné. Si l’intéressé n’est pas encore installé, il n’a pas le pouvoir de parrainer. Pour régler ce problème, nous avons cherché à repousser loin la date du dépôt des candidatures pour les présidentielles, pour qu’au moment des parrainages, qu’on n’ai pas encore la liste des candidats pour les législatives ni pour les communales pour savoir qui est candidat ou pas. C’est maintenant à 180 jours du 1er tour des élections, soit environ 6 mois. Toujours dans le même ordre d’idées, nous avons relu l’article 138 qui est d’ailleurs un amendement du collègue président du groupe parlement Les Démocrates, Nourénou Atchadé. Il trouve que 50. 000.000 FCFA pour la caution c’est beaucoup et qu’il faille réduire. Ce qui a été validé en commission comme en plénière. L’article 138 nouveau pour les règles particulières de l’élection du président amène maintenant le montant de la caution à 25. 000.000. Nous avons ajouté que les candidats qui auront au moins 10% soient remboursés (frais de campagne) au plus tard 30 jours après la proclamation définitive des résultats des élections, ce qui n’était pas le cas.

Les règles particulières des législatives

Pour ce qui concerne les règles particulières des élections législatives et communales, les articles modifiés sont : 189 nouveau, 190 nouveau, 192 nouveau, 193 nouveau, 194 nouveau, 195 nouveau, 196 nouveau, 197 nouveau, 199 nouveau, 200 nouveau, 201 nouveau, 201.1 nouveau, 201.2 nouveau, 201.3 nouveau, 205 nouveau et 210. Au niveau de l’article 146 nouveau pour les élections législatives, nous avons modifié le seuil pour chaque candidat au niveau de chaque circonscription électorale. Maintenant, il faut avoir 20% dans toutes les 24 circonscriptions électorales pour faire partie de la liste pour l’attribution des sièges au niveau national. Nous avons laissé une ouverture en disant qu’en cas d’accord de gouvernance, les 20% seront calculés par le cumul des voix des membres de cet accord, et ceci par addition des pourcentages dans chacune des circonscriptions électorales. Lorsque vous avez les 20% dans chaque circonscription électorale, chaque membre participe à l’attribution des sièges au niveau national.

La nuance

La nuance ici est que, lorsque vous êtes en accord de gouvernance, même si le calcul doit se faire en additionnant vos voix pour voir si vous avez atteint les 20% dans chaque circonscription, il faut au préalable que chaque membre de l’accord ait les 10% au niveau national. Cela veut dire que même si vous êtes en accord de gouvernance et qu’un membre n’a pas 10% au niveau national, pour faire le calcul des 20% par circonscription électorale, ce membre n’est plus éligible. Nous avons d’autres rajouts au niveau de l’article 168 nouveau et 173 nouveau. L’article 168 ramène maintenant à 60 jours avant le vote, le dépôt des candidatures pour les législatives et 75 jours pour les élections communales. C’était 50 jours dans l’ancien code. Au niveau de l’article 173 nouveau, il y a juste un changement. La caution se donnait au niveau du trésor public, maintenant ce sera à la Caisse de Dépôt.

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Au niveau des élections communales, à partir de l’article 189 jusqu’à l’article 199, nous avons simplement reversé la loi interprétative de 2020 où les maires et leurs adjoints ne sont plus élus, mais désignés lorsqu’un parti à la majorité absolue. C’est seulement lorsqu’un parti n’a pas la majorité absolue et qu’il n’y pas accord de gouvernance qu’on procède à l’élection.

Quid des chefs de village et de quartier de ville

Dans l’ancien code, l’article 200 demandait qu’une loi spéciale définisse le choix des chefs de village et de quartier de ville. Nous avons profité de cette relecture pour régler ce problème en notifiant la manière dont il faut désormais désigner les chefs de village. Nous avons retenu que c’est le parti qui a la majorité dans un village à l’issue des élections communales, qui désigne le chef du village ou de quartier de ville. Ce dernier doit être éligible, avoir au moins 25 ans et doit résider dans le village au moins un an avant l’élection. Les conditions de désignation et de remplacement en cas de décès sont les mêmes.
Avec ce code on doit être félicité. S’il était promulgué, dans le moyen et le long terme on aura au plus 5 partis forts au niveau national. Cela renforce l’unité nationale, évite les émiettements de voix et contraint le président de la République à travailler avec toutes les filles et tous les fils du pays.

Malgré ces innovations, vos collègues de l’opposition pensent que le code révisé est personnel, taillé sur mesure pour écarter certains acteurs politiques. Quel est votre avis sur la question ?

Il faut d’abord être d’accord sur les objectifs de départ avant de faire les commentaires. Si nous devons renforcer le système partisan, on ne doit plus avoir des partis de quartier ou de région. Avec la charte des partis politiques, des formations naissent, parce que les gens prennent le nombre de membres fondateurs requis par commune. Mais les partis ne fonctionnent pas au niveau de toutes les circonscriptions électorales comme cela se doit. Même parmi les 15 partis reconnus aujourd’hui dans notre pays, pour les deux ou trois dernières élections, il y a des formations qui ont toujours moins de 1% au niveau national ou de l’ordre de 2%. Nous ne voulons plus de ce fonctionnement au niveau du système partisan. Nous avons toujours martelé qu’il faut aller aux grands regroupements. On n’exclut personne, la preuve les partis qui sont représentés à l’Assemblée nationale aujourd’hui (UPR, BR, LD) répondent aux critères.

Les élections générales de 2026

Pour ce qui est des élections de 2026, les 20% demandés par circonscription électorale pour se voir attribuer des sièges au niveau national, c’est corsé mais c’est pour nous tous. Personne ne répond pour le moment à cette exigence. Nous sommes à plus de 2ans des élections, chacun de nous doit travailler pour atteindre cet objectif qui renforce le système partisan. Nous demandons aux partis qui sentent que les conditions sont très dures pour eux d’aller à la fusion.

Un appel aux Béninois en général et aux militants de l’UPR en particulier !

Aux populations de façon générale et surtout à certains acteurs politiques, je voudrais demander de mettre la balle à terre et d’éviter l’intoxication, d’expliquer les choses telles qu’elles sont et de partir de l’objectif. Je demande aux militants de l’Union Progressiste le Renouveau d’avoir toujours confiance aux élus que nous sommes. Nous devons travailler parce que la tâche ne sera facile pour personne. Nous devons nous mettre dans la danse au niveau de toutes les circonscriptions électorales si nous voulons avoir des députés à l’Assemblée Nationale. Nous devons travailler dur que le prochain président de la République vienne de notre camp et c’est ce à quoi nous travaillons à l’UP le Renouveau.

Propos et recueillis et transcrits par Louis TOSSAVI

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