Gaston Dossouhoui à propos des performances dans le secteur du coton: « Dans un an, on fera encore 850.000 tonnes »

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Journaliste : Monsieur le ministre, merci d’accepter de nous faire le bilan de vos actions. En 2016, certains défis étaient à identifier dans le PAG pour le secteur agricole notamment, la gestion durable de la fertilité des sols, l’assurance de la sécurité alimentaire, la réduction de la malnutrition et la réduction de la balance commerciale déficitaire. Monsieur le ministre, où en est-on aujourd’hui après 4 ans de gouvernance ?

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Ministre : Je vous remercie beaucoup pour cette opportunité. Béninois et Béninoises, c’est un plaisir de vous retrouver pour parler de ce qui nous lie. Notre affaire commune, l’agriculture. En vérité, depuis la préparation de sa campagne électorale, le Chef de l’Etat actuel, président candidat d’alors, a mis un point d’honneur sur l’agriculture. Et il a bien dit : «nous allons, non seulement diversifier notre agriculture, mais nous allons la moderniser, l’intensifier ; nous allons diversifier les produits à l’exploitation, nous allons produire ce dont nous allons nous nourrir pour réduire les importations alimentaires de manière à ce que le paysan gagne. Il gagne en sécurité alimentaire, il gagne en ressources matérielles et financières pour accomplir les autres devoirs du citoyen. » Ainsi, quatre ans durant, on a effectivement osé pour identifier les créneaux porteurs ; les filières sur lesquelles il faut mettre un certain accent pour réussir à quitter la culture unique du coton vers la diversification des produits d’exportation, pour créer de la valeur ajoutée et en même temps développer les produits d’exploitation, les cultures vivrières, alimentaires et pourquoi pas avec les transformations agroalimentaires qui contribuent absolument à améliorer le panier de la ménagère aujourd’hui.

Tout ça a demandé du temps, une préparation, des études techniques, des études opérationnelles, la recherche du financement et au jour d’aujourd’hui, l’année 2019 ne s’est pas mal portée que les autres années. Nous allons essayer d’élucider point par point le chemin parcouru et les résultats modestes auxquels nous sommes parvenus. Le Bénin se porte mieux qu’il ne se portait encore il y a un an. Il se portera encore davantage mieux qu’il s’est porté il y a de cela quatre ans, cinq ans.

 

L’un des points fondamentaux sur lesquels vous aviez travaillé, c’est bien sûr la réforme institutionnelle. On est parti des directions de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche pour des Agences Territoriales de Développement Agricole (ATDA). Qu’est-ce que ces réformes ont concrètement changé ?

 

Mieux que les slogans entendus depuis des décennies, le secteur agricole, depuis l’avènement du Président TALON, se positionne comme le principal levier de développement économique du pays, de création de richesses et d’emplois. De toutes les façons, cinq approches sont appuyées sur une dynamique nouvelle de développement des filières agricoles instaurées aux fins d’une meilleure valorisation des espaces agricoles de notre territoire. Pour cela, il a fallu mettre en place un nouveau cadre institutionnel qui a consisté à séparer les fonctions régaliennes de l’Etat à travers les Directions départementales de l’Agriculture des fonctions d’appui conseils aux producteurs gérées par les Directions départementales de l’Agriculture. Les Agences Territoriales de Développement Agricole (ndlr : ATDA) sont l’émanation de l’administration d’un territoire homogène qu’on appelle pôle de développement agricole. Nous en avons sept. Au cours de cette année 2019, nous avons amélioré les prestations au niveau de ces structures d’appui. Le contrôle est devenu plus systématique. Les normes techniques sont élaborées et suivies par les directions départementales de l’agriculture. Mais par rapport aux ATDA qui pilotent les filières les plus porteuses de leur pôle, il y a toute l’équipe nécessaire en termes de ressources humaines, de documents de gestion. Le cadre de travail a été complètement balisé aujourd’hui. Et les gens disposent de tous les outils pour pouvoir aller vers un accompagnement des producteurs de manière plus saine.

Mais retenez, ce n’est pas seulement les ATDA ou les Directions départementales qui constituent l’ossature de la réforme institutionnelle au niveau du ministère de l’Agriculture. Encore que lorsque nous avons mis les hommes au travail, il faut leur donner les moyens. Nous avons acheté plus de 900 motos tout terrain. Ce ne sont pas les motos qui tombent en panne après six heures ou trois mois d’usage. Elles seront utilisées pendant 5 ans, 6 ans. Et aujourd’hui, plus aucun agent ne peut plus faire du tourisme agricole. Vous sortez avec un plan donné. Vous avez un programme connu de votre hiérarchie. Vous devrez faire telle, telle chose au niveau de telle ou telle exploitation. Et vous devrez rendre compte. Désormais, ces agents disposent des smartphones avec lesquels on peut les référencer. D’où ils sont, ils prennent des images. Ainsi, de la Direction, les patrons les suivent. L’autre réforme institutionnelle, c’est le Fonds National du Développement Agricole (FNDA) qui a fait peau neuve avec des guichets importants. L’un pour les petits producteurs, les autres pour les aider à formuler des projets-programmes et les soumettre au financement des banques. De toutes les façons, le FNDA n’est pas une banque. Le FNDA est un facilitateur d’accès au crédit et pour que les crédits obtenus au niveau des banques puisent être bonifiés.

 

On peut avoir une idée sur le nombre de personnes que le FNDA a impacté ?

 

 

Au jour d’aujourd’hui, les ressources mobilisées au niveau de l’Etat pour le FNDA avoisinent déjà 10 milliards. Mieux, les Partenaires Techniques et Financiers viennent en appui au FNDA. La coopération suisse, la coopération belge, la coopération allemande et beaucoup d’autres.

 

Qui sont les bénéficiaires ?

 

Ce fonds, ce sont d’abord les ressources mobilisées au niveau des guichets pour aider les projets bancables, pour assurer des formations de mise à niveau de ceux qui ont monté leur dossier, puis une partie des ressources est placée au niveau des banques pour assurer la bonification des crédits. Et lorsque vous prenez par exemple un crédit à un taux de 9%, le FNDA vous autorise à payer peut-être 2% et le reste est assuré. Dans ces conditions, vous avez un crédit à taux plus faible. Pour le moment, nous avons une bonne brochette d’une quarantaine de projets déjà éligibles. Certains ont commencé à bénéficier du financement.

 

Les petites et moyennes entreprises agricoles et les coopératives peuvent-elles aussi bénéficier du crédit ?

 

Bien entendu. Tout dépend du dossier que vous montez. Il y a des coopératives des producteurs de semences qui ont bénéficié de ces subventions. Il y a des réseaux de producteurs et de transformateurs d’ananas qui ont bénéficié de cet appui.

 

Monsieur le ministre, il n’y a pas que les réformes institutionnelles. Il y a surtout les filières à haute valeur ajoutée, l’ananas, le cajou, le maraichage… Quel point peut-on faire sur les actions menées à la date d’aujourd’hui ?

 

Vous savez, nous sommes dans une émission très pédagogique. En termes de réformes, il y a deux autres choses dont je dois parler rapidement. Le Recensement National de l’Agriculture (RNA). Pendant longtemps, nous ne savons plus combien de têtes de bœufs nous avons ; nous ne savons plus combien d’hectares de ci ou de ça on cultive. Aujourd’hui, on a mis tout à plat. Le processus de recensement a commencé sur financement propre de l’Etat. C’est une première. Et au terme de juin, juillet 2021, on va boucler cela pour savoir exactement combien d’hectares nous avons et quelles superficies on peut attribuer à chaque culture. On va maintenant mettre en place une base de contrôle, une base de prélèvement de données pour une vision sur tout ce qu’on a produit. Et c’est important pour nous pour pouvoir évaluer les efforts faits.

La deuxième chose, c’est la recherche agricole. N’oublions pas. Si nous voulons accompagner les gens, il faut le faire dans leur élan de développement. Le paysan n’est pas l’élément le plus bête. Il a des innovations endogènes à valoriser. Et par rapport aux dispositions, nous avons installé 23 sites de recherches dans des villages. Ces sites accompagnent les innovations mises en place par les habitants. Ils développent cela de manière à ce que la technique que nous développons puisse rapidement passer au niveau de toutes ces bases et de la zone que vous cultivez.

Mieux, nous avons réorganisé les centres régionaux de recherches. Nous avons un centre régional à Malanwi qui s’occupe des cultures de maïs, du riz, de l’ananas et autres. Nous avons un centre régional à Savè qui s’occupe du Cajou. Nous avons un centre de diversification à Ina et puis un autre à Natitingou. Mais après ceux-là, nous avons des centres spécialisés. Donc tout cela rentre dans le package de la réforme institutionnelle du secteur de l’agriculture.

Vous aviez parlé des filières à haute valeur ajoutée. Je vous remercie beaucoup pour cette question très pertinente. Disons que la particularité de l’organisation du travail par le président TALON, c’est de cibler ce qui est important pour faire lever la mayonnaise. Au nombre des filières que nous pouvons brasser partout, il y a certaines qui sont à haute valeur ajoutée. C’est l’ananas, c’est le cajou et ce sont les cultures maraichères. Ces trois filières ont connu un développement assez impressionnant. Regardons l’ananas. Il y a deux types d’ananas, le cayenne lisse et le pain de sucre, à l’intérieur desquels nous avons des morphotypes. Il y en a qui sont ronds, d’autres sont en bouteille. Bref ! Pour aller à l’exploitation, il faut des calibres. Certains morphotypes acceptent de donner que des fruits quelle que soit la spéculation que vous faite sur ce calibre-là. C’est important de mettre ça à part et de développer pour qu’ils soient pour l’exportation.

D’autres ont de gros fruits qui peuvent donner beaucoup de jus. Il faut trouver les morphotypes correspondants. Et pour ça, nous avons un dispositif d’épuration. Ce sont des fruits délicieux. Il faut donc regarder le profil du paysan pour lui proposer les régions correspondantes de production. Et pour ça, nous sommes partis faire des épurations au niveau des champs pour trier les morphotypes. De ce fait, lorsque les paysans qui ont bénéficié de ces rejets triés et calibrés plantent, ils ont 90% de bons produits contre à peine 10% de hors types. Contrairement à ce qu’on a connu il y a de cela trois ans où c’est 25% à 30% de bons produits. A ce niveau-là, on a joué aussi sur les techniques de production en utilisant le « much plastic ». C’est une technique qui consiste à planter l’ananas sur des toiles spécialisées. Ces toiles permettent de réduire l’infestation de l’ananas du champ. Les herbes n’arrivent pas à pousser à travers la bâche plastique. Ces toiles arrivent à maintenir l’humidité pendant longtemps au niveau du plan. Cela fait que de toute façon l’ananas dont le cycle devait durer 16 mois est réduit à 12 mois. Rien qu’avec cette technologie. Et si en plus vous arrivez à faire une irrigation d’appoint au niveau de votre champ, vous réduisez le cycle et vous avez des fruits très bons pour le marché.

Est-ce que tous les producteurs bénéficient de cette technologie ?

 

Non, tous les producteurs ne peuvent pas bénéficier de cela. Ce sont les plus méritants qui en bénéficient. Mais progressivement nous y parviendrons.

Y-a-t-il de critère pour sélectionner ces producteurs ?

 

Il y a bien de critères. Il faut d’abord une certaine expérience en matière de production d’ananas, une certaine fidélité à la production d’ananas et une certaine rigueur dans le suivi des itinéraires techniques. Et là aussi, en termes des différentes techniques lourdes, des plants que nous avons déjà franchis, c’est des types de fumures, le type d’engrais que nous mettons sur l’ananas. La formule a été bien trouvée et cela passe bien. En plus des champs d’ananas avec fumures, il y a beaucoup de champs d’ananas bio sans fumures que nous utilisons.

 

Qu’en est-il du cajou ?

 

Le cajou, deuxième produit d’exportation après le coton. La technologie première que nous avons préconisée, c’est de mettre aux normes les vieilles plantations à partir des brigades de prestation de services. Lorsque le champ d’anacarde est touffu, et les feuilles se touchent et il n’y a pas d’ensoleillement qui enrobe le plan, le cajou ne fait pas de fleurs. Lorsque la densité est serrée, on passe et on élimine un certain nombre de plants, on aère le champ puis on le nettoie. On a formé des brigades qui gagnent de l’argent à raison de 55.000 FCFA par hectare traité et payé par l’Etat. Deux ans après, ceux qui ont bénéficié de ces prestations ont vu leur rendement augmenter. La première année, le rendement a baissé naturellement. Mais la deuxième année, la production a augmenté sensiblement. Les producteurs qui avaient 300 kilogrammes à l’hectare sont passés à 600 kilogrammes aujourd’hui.

La deuxième chose sur laquelle nous jouons, ce sont les plants greffés. Nous avons identifié des plantes mères. Avec l’appui de la Tanzanie qui a un très bon institut de recherche sur le cajou, nous avons identifié les bouts de germe, des types de cajou productifs. On les prépare. On produit des greffons et on prélève pour produire des plants greffés. Ainsi, les plants greffés ont un produit homogène en termes de couleur, de grosseur et de qualité.

La troisième chose que nous sommes en train de faire, c’est tout ce qui est technologie d’accompagnement pour gérer l’espace dans lequel se font les cultures de cajou et les autres techniques contre l’incendie. L’anacardier n’aime pas le feu. Non seulement la noix d’anacarde est transformée chez nous mais la pomme est beaucoup transformée en jus. Les entreprises de transformation de pomme de cajou en jus ne sont pas nombreuses. Quatorze ont été certifiées avec l’aide d’une ONG américaine du nom de « Technoserve ». Et aujourd’hui, nous sommes en train de faire les dossiers pour onze entreprises de femmes, essentiellement pour transformer le cajou.

 

Abordons maintenant ce qui intéresse la population urbaine et péri urbaine, le maraichage. Quelle politique d’organisation et de transformation de ces produits est mise en place ?

 

Je suis d’accord avec vous que sur le maraichage, le chantier est assez grand. D’abord, le maraichage se fait partout. Autour de nos grandes villes, il faut nécessairement des cultures maraichères. Une agriculture périurbaine qui nous permettra de manger. Le piment, la tomate, le poivre, et autres que nous produisons. Ici, nous avons mis en chantier un projet de développement de maraichage « PADMA », financé par le FIDA, à hauteur de 18 milliards FCFA qui opère dans au moins dans 27 communes. Ce projet a pu aménager 530 hectares. Mais au cours de cette saison, par la maitrise d’ouvrage déléguée, nous sommes en train d’aménager 1150 hectares de cultures maraichères. C’est important pour nous. Mais là encore, ça ne suffit pas. Si vous allez maintenant dans la vallée du Niger, les communes de Karimama, de Malanville, c’est l’une de leurs spécialités. Là, nous avons une bonne production de tomate, de piment et aussi d’oignon. Mais aussi des champs de pomme produite au Bénin. Ces initiatives nous devrons les développer le plus possible. Il faut mettre l’activité là où nous avons un point d’eau. Faire du maraichage, il faut nécessairement de l’eau. Si l’endroit ciblé est un endroit d’une propriété privée, l’espace se négocie. Il y a juste quelques dédommagements à faire pour aider des maraichers à s’installer. Mieux, si nous regardons le long de notre côte aujourd’hui, nous avons des cocotiers. On peut faire le maraichage sous les cocotiers sans problème de fonciers. Ça développe aussi les cocotiers. Donc ces questions se règlent au cas par cas. Je pense que nous allons vers une politique de gestion responsable de nos problèmes fonciers. Ce qui nous permettra de sécuriser la terre pour les générations à venir.

Il y en a qui s’accaparent des terres ; ils achètent des centaines d’hectares qui sont clôturés alors que certains en ont besoin pour faire le maraichage. Qu’en dites-vous ?

 

C’est bon s’ils l’exploitent. Mais si c’est thésaurisé la terre, ça pose de problème. La loi bannit la thésaurisation des terres. Je pense que progressivement, nous allons vers ces dispositions qui nous permettraient de rentrer en discussion avec le présumé propriétaire afin de mettre en valeur l’espace. Mais pour le moment, cette question ne se pose pas avec acuité, au moins sur le maraichage. On a encore beaucoup d’espace et d’opportunités à saisir pour développer le maraichage. Nous allons mettre en place une étude de faisabilité sur le maraichage qui va désormais prendre le relais du programme financé par le FIDA. Alors, sur financement national, nous allons développer beaucoup d’autres études.

 

Vous aviez promis que dans les deux prochaines saisons, vous allez atteindre un million de tonnes de production de riz. Ce n’est pas trop rêver ?

 

S’il n’y pas de rêve, on ne peut pas faire de grandes choses. Nous devons rêver et rêver grand. La fermeture des frontières par le Nigéria était pour moi un déclic. Une opportunité à saisir. Je ne reviens pas sur les conditions qui ont prévalu à cela. Mais mon pays, le Bénin, taxé de pays ré-exportateur de riz deviendra un pays producteur et exportateur de riz. Il n’y a rien à faire. Ce n’est pas de la déclaration politique. En 2016, quand le président TALON a pris les rênes de ce pays, nous étions à 216.000 tonnes de production de riz. Aujourd’hui, avec les technologies que nous utilisons, nous sommes déjà à 407.000 tonnes. Mais lorsque nous allons revisiter nos capacités intrinsèques en matière d’aménagement des périmètres rizicultivables, en matière d’aménagement des basfonds et autres sites, en matière de mise à disposition des semences certifiées de riz, facteur important pour déclencher la révolution verte, lorsque nous avons aussi des intrants disponibles aujourd’hui on peut rêver. Et, on doit pouvoir rêver. En fait, j’ai mis tout le monde au boulot. Les producteurs de semences ont de quoi servir au moins 40% de nos emblavures. Mais avec cette intersaison, on essaie de produire, de densifier pour avoir les 20% complémentaire. Ainsi, l’Etat pourra mettre à disposition des producteurs des semences à bas prix ; ce qui va révolutionner la filière.

 

Les intrants sont-ils disponibles ?

 

Lorsque vous cultivez le riz, vous avez de quoi fertiliser votre riz et même l’entretenir contre l’enlèvement. Mais l’autre chose qui est importante, ce sont les aménagements. Aujourd’hui, nous avons 1125 ha qui sont en cours d’aménagement. Et pour lesquels nous frappons toutes les portes dans tout le pays. Il y a quatre projets à financement extérieur pour cela. Mais nous-mêmes, au niveau national, nous avons développé des initiatives, surtout dans la vallée du Niger, singulièrement à Karimama, où il n’est pas question de faire des aménagements trop coûteux. Avec des puits tubés, l’eau est à peine à 7 ou 8 mètres ; vous mettez une pompe et puis vous tirez l’eau vers le haut. L’espace est juste aménagé, les diguettes sont couvertes et il faut du matériel plastique pour éviter l’érosion.

 

Dans la vallée du Niger justement, comment pensez-vous lutter contre l’inondation ? Parce que quand le fleuve Niger déborde, il emporte tout sur son passage.

 

La question du fleuve Niger est un peu délicate parce que là, il faut endiguer la région. Et cela n’est pas une mince affaire. Il nous faut jusqu’à 40 voire 45 milliards pour y arriver.

 

Comme ça, cela ne pourrait-il pas emporter toute la production ?

 

Non. Les aménagements que nous faisons aujourd’hui sont tels que si le niveau d’eau grimpe, on peut drainer. Il y a des techniques pour creuser. Ce que nous devons faire davantage sur le riz, c’est la transformation, le décorticage. Et au jour d’aujourd’hui, beaucoup d’ONG, l’Etat lui-même, aident les petites organisations de femmes transformatrices de riz à disposer de trieur optique. C’est à peine 20 à 30 millions. Lorsque vous avez ça, vous allez décortiquer votre riz, les grains noirs passent par le trieur optique et votre riz est nickel. Au niveau de mon département, les femmes ont organisé une foire agricole. Le riz présenté sur ce marché a coulé comme de petits pains. Les forains ont fait venir plusieurs chargements de riz. Ils ont tout vendu. C’est pour dire que de plus en plus je suis heureux de constater que le Béninois consomme Béninois.

 

Quels sont les moyens pour décourager ceux qui amènent du riz importé parce que souvent leur prix est plus bas ?

 

Nous faisons l’effort d’accompagner nos producteurs pour avoir de matériels de bonne qualité. En l’occurrence le riz IR-285 qui est un riz de basfond aromatisé, parfumé. Il est cultivé un peu partout. Uri lisse 6 vient seconder le IR-285 avec toujours de l’arôme. Sur les basfonds et les autres périmètres, nous avons le nérica 14, ne nérica L-19 ; L-20 cultivables en termes de qualité, en termes de présentation. Si nous arrivons à accompagner les paysans pour avoir les semences à prix bas, pour avoir les intrants spécifiques à prix pratiquement réduits, à disposer du matériel de battage, de vannage, à avoir aussi l’installation des unités de transformation, le coût de production deviendra de façon intrinsèque moins cher aux paysans. Il va pouvoir soutenir le marché. Si nous n’avons pas le volume qu’il nous faut, environ 450.000 tonnes pour les besoins de consommation domestique, il va être très difficile pour le pays de dire qu’il ne faut plus importer du riz. Mieux, le riz importé au Bénin n’est pas seulement pour le Bénin. Si on bloque l’exportation d’un volume donné, le Niger n’aura rien. C’est par ici que le Niger a son riz. La politique de la production domestique, nous allons la densifier. Si nous arrivons à faire un million de tonnes, on peut arrêter l’importation.

 

Monsieur le ministre, qu’en est-il des autres filières conventionnelles, le palmier à huile par exemple ?

 

Le palmier à huile, la richesse de notre pays depuis les temps coloniaux ! Aujourd’hui, dans les exploitations privées, il y a beaucoup de palmiers plantés, très bien entretenus avec une agro technique simple et facile, l’alignement, le traitement, la fumure et l’entretien végétatif. Ce qui reste, c’est de voir dans quelle mesure irriguer encore davantage ces plantations pour passer de 16, 18 tonnes à 30, 35 tonnes à l’hectare. Avec les mêmes matériels.

La deuxième chose importante, nous mettons à disposition des producteurs des semences, des plants greffés à bas prix. L’année passée, on avait plus de dix mille plants de palmier à huile à prix réduit pour régénérer les vieilles plantations. La grande révolution qui a été faite dans ce domaine, c’est l’assainissement des CAR et UCAR. On est sorti de la crise. Toutes les 36 Coopératives d’Aménagement Rural ont leur conseil d’administration renouvelé.

 

Justement, comment aviez-vous fait pour résoudre ces conflits ?

 

Rendons à César ce qui est à César. En abordant cette question en 2006, ça m’a brûlé le doigt. Et lorsque vous avez des propositions assez révolutionnaires pour changer les modèles de vie et que pour des prétextes politiques on dit il y a troubles à l’ordre public et que vous n’êtes pas soutenu par la hiérarchie, ça n’aboutit pas. En 2006, nous avons entamé à peu près quelque chose du genre qui n’a pas marché. Mais cette année, ce que nous avons commencé, c’est d’abord la mise en place d’un comité interministériel composé du Ministre de l’Agriculture, des ministres de la Justice, de l’Intérieur et de la Sécurité, de la décentralisation, et du ministre du Cadre de vie. Nous avons travaillé sur les textes de loi qui régissent la réorganisation des Coopératives d’Aménagement Rural. Nous avons travaillé à reconnaitre les vrais coopérateurs. Ceux qui sont déjà décédés, comment leurs enfants pouvaient les représenter ? Nous avons fait les réunions foraines. Nous sommes arrivés à faire le dialogue entre la famille et la justice. Nous avons identifié le représentant de telle famille dans telle coopérative. Lorsque tout cela a été fait, on a programmé les Assemblées Générales. Tous ceux qui avaient été impliqués dans la gestion d’une coopérative ont été mis à l’écart. L’objectif était d’avoir de nouvelles têtes, parce que nous voulons formater l’ancien système pour autre approche de gestion coopérative. On les a accompagnés pour avoir les documents de gestion administrative de sorte que les coopératives qui étaient la vache à lait de quelques individus deviennent l’affaire de tout le monde. S’ils sont tellement conscients que les palmiers à huile donnent à manger à leur famille, ils vont rajouter d’autres plantations. Nous sommes prêts. Nous sommes en train de faire de la sélection aujourd’hui pour leur trouver les quantités de semences qu’il leur faut. Les pépiniéristes agréés qui sont dans les régions, les coopératives elles-mêmes, ont été formés pour conduire et gérer des pépinières de palmier à huile.

Quelles sont les prévisions que vous faites pour les années à venir ?

 

Les vieilles plantations qui ne sont pas entretenues, on va les rafraichir. Les coopératives le feront avec les ressources dont elles disposent. Pendant un an seulement on a mis en place des comités paritaires pour gérer les coopératives. Aucune coopérative n’a eu un bilan négatif. Donc l’argent est frais chez eux. Ils ont les ressources. Il faut de la transparence au niveau de la gouvernance des coopératives. Il faut reprendre les anciennes parcelles et les nettoyer. C’est la transformation qui est un autre facteur. Au jour d’aujourd’hui, nous n’avons plus les grandes huileries d’avant mais il y a de petites unités de transformations qu’on peut d’abord exploiter. Il faut appuyer ces petites unités à travers les projets-programmes. Si une coopérative décide d’acquérir son usine pour la transformation, elle le ferait.

 

Ces petites unités ne peuvent-elles pas supporter le cap de la production ?

 

Nous pensons d’abord à cela puisqu’ils ont perdu l’habitude de le faire. Et c’est de manière traditionnelle et archaïque qu’ils font la transformation.

Ils ont beaucoup crié, ces producteurs d’huiles de palme !

 

Non. Ils n’ont pas crié. Parce que gouverner c’est prévoir, nous avons anticipé. Nous avons eu un projet d’accès au marché qui nous a permis de construire des tanks de stockage d’huile de palme le long de la frontière du Nigéria. Ils peuvent vendre un bidon de 25 litres à 10.000 FCFA à la station de collecte. Cela est consigné. Lorsque le prix est intéressant sur le marché, on va peut-être vendre le bidon à 15 000. On retourne 3500 à celui qui l’avait cédé à 10.000. Qui perd dans ces conditions ? Personne. Et aujourd’hui, nous avons vraiment besoin de production. Le marché américain demande de l’huile rouge.

 

Est-ce que le marché existe vraiment pour couler tout ceci ?

 

D’abord, le marché domestique. Vous étiez à la foire des femmes du ministère de l’agriculture. Vous aviez vu ce que les femmes ont fait du beurre de Karité, du savon, du beurre, des huiles, beaucoup de produits. Si vous aviez vu ce que les femmes ont fait du maïs, des produits dérivés de bonne qualité ou ce qu’elles ont fait avec du manioc national. Mon problème à moi c’est que le Béninois doit d’abord accepter de consommer béninois. Il faudrait que nos valeurs puissent être achalandées à ces produits. C’est nous qui allons au supermarché pour revenir à la maison avec des produits faits au Bénin. On a mis des ressources pour mettre en place des entreprises capables d’amener des emballages. On distribue ces emballages à prix subventionné. C’est important pour que nous puissions aller à cette école-là. Le marché local est le premier marché sûr. D’autres pays qui ont 90 millions d’habitants, 100 millions d’habitants, rien qu’avec la production locale, ils arrivent à tenir. Nous avons produit du riz pour le marché équitable belge. Trois, quatre tonnes sont écoulées sans aucun problème. C’est nous qui ne donnons pas de la valeur à la chose. Il faut oser révéler les qualités de nos productions, de nos transformations pour que les gens comprennent et s’abonnent à cela.

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Faut-il commencer par demander aux enfants de consommer ce qui est produit chez eux ?

 

Bien entendu. Avec le Programme Alimentaire Mondial (PAM), nous avons signé un contrat pour faire de la culture domestique pour nourrir les enfants. Ils ont besoin du haricot produit chez eux. Ils veulent bien manger du mouton produit chez eux, ils veulent bien manger du manioc produit chez eux. Les agents institutionnels doivent être organisés. Regardez combien de cantines scolaires et universitaires dont le Bénin dispose. Combien nous avons des gens dans l’armée, dans les prisons. Il faudrait que la collecte des produits de ces alimentations soit de la production domestique prioritairement.

 

Monsieur le ministre, nous avons le marché local, le défi c’est aussi d’aller au-delà. Aujourd’hui, est-ce que ces produits sont certifiés au niveau de la Dana ? Qu’est-ce qui est fait pour que ces produits soient acceptés sur le marché international ?

 

Je vous remercie beaucoup parce que l’exploitation doit être accompagnée. C’est pouvoir faire révéler les qualités, les caractéristiques du produit et le respect des normes exigées pour assurer cette exploitation. Le miel du Bénin a été confirmé dans les autres laboratoires. Le Bénin est agréé pour exporter son miel. Le soja béninois est pratiquement bio. Les asiatiques le veulent beaucoup. Les Chinois sont venus signer des contrats avec nous. Il faut vous dire que nous exportons 179.000 tonnes de soja en deux ou trois mois. Il y a des choses qui se font, sur lesquelles on ne crie pas. Le karité qui se cultive chez nous, il y a des endroits où la noix collectée est bio. C’est-à-dire sans produit phytosanitaire. Le karité qui est là est sans pesticide. Dans la forêt classée où personne ne va faire du riz ou du coton, le karité qui est là est sans pesticide. Il y a des entreprises qui sont spécialisées dans la collecte de ces noix pour les transformer et les placer à prix d’or sur le marché international. Notre agriculture présente un certain nombre d’atouts. L’ananas dont nous parlions, le « pain de sucre », est de bonne qualité. Il nous faut des professionnels pour nous aider à obtenir certaines indications géographiques pour montrer que l’origine de l’ananas « pain de sucre » bien sucré se produit seulement au Bénin. Mais regardez, quand le fruit est vert, les Européens ne comprennent pas qu’il est déjà mûr. Il nous faut des spécialistes. Aujourd’hui, nous avons placé cet ananas au niveau du marché européen et sur d’autres marchés du monde. Et ça coule bien. En deux ou trois mois, nous avons exporté plus de 500 tonnes. Mieux, ce qui nous est arrivé il y a deux ans sur l’ananas avec la crise d’étéfon, c’est arrivé au Ghana, au Cameroun, à la Côte d’ivoire. Ceux-là qui nous ont pris le marché. Avec quel équipement nous allons transporter ces produits ? Voilà que les cargos n’atterrissent pas facilement ici. Donc, il nous faut travailler durablement sur ces questions pour pouvoir atteindre des résultats.

 

 

On va parler de la culture locomotive de notre agriculture, le coton. Aujourd’hui, le Bénin bombe le torse et dit je suis le premier producteur de l’or blanc en Afrique. Comment avez-vous fait pour atteindre ce niveau ?

 

Le Bénin ne dit pas qu’il est le premier producteur. Le constat a été fait que de toutes les productions africaines, la production la plus forte au cours de la campagne dernière est celle du Bénin, 678.000 tonnes.

 

Le Mali semble être jaloux quand on dit ça !

 

Pour le peu que je sache, l’augmentation, l’amélioration de nos rendements depuis l’arrivée au pouvoir du président Talon passe par l’amélioration de nos rendements par unité de surface. Ce n’est pas par l’augmentation des emblavures. Nous étions à 900 kilogrammes à l’hectare. En un an, nous sommes passés à 1100 kilogrammes à l’hectare. Puis nous sommes à 1217 kilogrammes par hectare. Aujourd’hui, nous sommes en train d’aller à 1250, 1300 kilogrammes à l’hectare. Visiblement, dans un an nous irons en moyenne à une tonne cinq. On a avancé davantage parce qu’avec le développement des autres filières qui permettent aussi aux paysans de gagner de l’argent, nous allons sortir les zones marginales qui ne peuvent pas donner au-delà d’une tonne. Puisque nous avons un bouchon de plus important à faire sur les zones propices pour le coton. On intensifiera les actions sur les zones riches pour le coton. Comme aujourd’hui, le sahel est à deux tonnes à l’hectare, on peut avoir le rendement commun. Puisque nos variétés telles que c’est sélectionné peuvent donner deux tonnes à l’hectare, même 4 tonnes avec les mêmes techniques agro-techniques. Deuxième élément, la SODECO s’est professionnalisée en matière de gestion des intrants. A l’heure où je parle, plus de trois bateaux d’intrants engrais coton sont déjà arrivés. Et d’engrais vivriers, on aura encore deux bateaux. Nous produisons du coton. Mais nous produisons aussi du vivrier. Dans l’espace UEMOA, le Bénin est 2è producteur derrière la Côte d’Ivoire. Ce n’est pas un hasard. Nous avons su associer intelligemment la production du coton et celle des vivriers.

 

Les gens disent que ces engrais détruisent notre terre. Démontrez-nous le contraire, monsieur le ministre

 

C’est du vocabulaire. Si nous prenons les surfaces sur culture au Bénin et nous regardons résolument les quantités d’engrais utilisées, on ne fait pas une moyenne de 150 kilogrammes à l’hectare sur toutes les cultures. Ailleurs, les gens mettent 300, 400 kg. Comment on peut nous dire que nous détruisons nos sols ? Non ! Je suis d’accord avec certaines spéculations qui ont besoin de la lumière et de l’espace comme le coton. C’est pour cela on dit que les zones cotonnières ont dégénéré. Qu’avons-nous fait ? Nous avons initié, avec l’appui de l’AFD, un projet dénommé « Transition Agro-écologique en Zone Cotonnière » (TAZCO), qui a mis au point des innovations technologiques pour mieux recycler la terre, maintenir sa fertilité. Et c’est l’un des défis que le Bénin a promis relever. Maintenir la fertilité du sol, lutter contre l’érosion en utilisant les plantes de couverture en utilisant les plantes améliorantes du sol capables de capter l’oxygène du sol. Cette technologie permet maintenant de ne plus labourer tous les ans les champs mais de tracer leur ligne de semis. Ça permet aussi de faire des semis en ligne sous couvert végétal. La fertilisation se fait à bonne date. Ce qui va aussi booster la culture du coton. Et je suis sûr que le million de tonnes, on l’aura incessamment.

 

On l’aura quand ?

 

Attendons qu’on finisse cette campagne, et on vous dira que nous avons franchi le seuil de 700 mille tonnes au moins. Dans un an, on fera encore 850.000 tonnes. Et comme nous savons faire des bonds de 100 ou 150 tonnes, devinez le reste.

 

Qu’en est-il de la production biologique 

 

Ce qui va améliorer la production cotonnière maintenant, c’est que nous utilisons désormais des semences « délintées ». Les graines sont travaillées pour être nues. Sur la peau des graines, il n’y a plus de fibres. Alors, mise en terre, la graine germe automatiquement parce que l’eau du sol rentre en même temps, la graine se gonfle au bout de 3, 4 jours et amorce sa germination. Au bout de six jours, la plante s’est déjà levée. Alors que l’autre, vous devrez mettre plusieurs graines, 6 ou 8 dans le trou. Cela va faire deux jours avant de commencer par sentir l’humidité du sol et engendre un retard dans la germination.

 

Est-ce qu’on a déjà installé l’usine de délintage ?

 

Nous l’avons installée dans la commune de Bembèrèkè. Avec ça, nous utiliserons au plus 10 kg de graines par hectare contre 20 kg que nous utilisons aujourd’hui. C’est des revenus importants que nous captons à partir de là. Si vous prenez la graine délintée, c’est deux ou trois graines au plus par bouque. Par contre, avec l’autre technologie, il faut mettre six ou huit graines et si toutes les 8 graines ont poussé vous devrez enlever 4 graines au moins. En enlevant ainsi vous créez d’espace sur l’orifice qui capte de l’air chaud et assèche autour des racines du plant. Les plantules s’arrêtent dans leur croissance. Vous constatez qu’avec la graine délintée, on va réduire davantage le cycle.

 

Qu’en est-il du coton bio ?

 

C’est le coton sans intrant chimique. C’est une question de traitement cotonnier. Au lieu d’utiliser des produits chimiques, on va utiliser peut-être des produits de synthèse. Des produits à base de nime, d’insecticide biologique. C’est tout le problème. On continue de produire du coton biologique. Et on continue d’encourager les producteurs à le faire. C’est beaucoup plus cher parce que son rendement est très faible par rapport à l’autre. C’est une question de pression parasitaire. Une des rares plantes qui acceptent beaucoup de parasites selon le développement de la culture donc les produits de synthèse que nous allons mettre ne couvrent pas toutes les générations de parasites, ni tous les types de parasites. Nous avons déjà des rendements d’au moins 400, 500 kg à l’hectare. Mais ce qui est bon, il y a des firmes qui achètent très cher les cotons biologiques. Nous devons encourager les producteurs pour qu’ils s’y adonnent.

 

Qu’est-ce qui est fait en 4 ans pour encourager ces acteurs ?

 

La mécanisation de l’agriculture n’est plus aujourd’hui un slogan. Rien que l’année dernière, nous avons mis en place 400 kits de tracteurs, en plus de ce que les producteurs ont déjà acheté. Nous avons acheté les équipements pour aplanir la terre et faire des semis en bonnets pour le coton, pour le maïs, le riz également. L’enjeu ici, c’est de savoir quel type d’équipement il faut pour quelle culture. Sur le riz, c’est la même chose ; sur le maïs, c’est la même histoire. Mieux, il n’y a pas que le labour et le semis. Il y a aussi les opérations d’entretien végétatives et puis la récolte et le conditionnement. A part le coton qui est récolté strictement à la main, le riz est récolté avec des batteuses en plus des moissonneuses qui viennent battre maintenant et emporter les plants pour le séchage.

Nous avons mis en place l’Agence Nationale de la Mécanisation qui a été financée cette année à hauteur de 800 millions FCFA pour essayer premièrement d’acquérir des équipements complémentaires à ceux que nous avions. Nous avons déjà mis en place trois camions attelés qui disposent de tous les équipements de réparation. Les équipes de mécaniciens sont en train d’être constituées pour rentrer dans les grands bassins que nous avons. Les engins en nombre important pour intervenir, les préparer pour la saison. Nous avons fait des formations pour les tractoristes. Puis nous sommes en train d’aller vers la formation des propriétaires d’engins pour une exploitation plus judicieuse de ces équipements-là.

Parlons aussi de l’igname avant d’aborder l’élevage et la pêche ?

 

Je voudrais surtout que vous remarquiez qu’au Bénin, depuis deux ans au moins, dans les maquis des grandes villes, vous avez l’igname pilée du 1er janvier au 31 décembre. Cela veut dire qu’il y a plus de disponibilité. Nous avons tenu compte des technologies endogènes de conservation de l’igname pour que l’igname reste encore en bonne qualité pour être pilée. C’est très fort. Au marché, il y a des systèmes d’alignement en cercle pour conserver les tubercules, pour qu’ils ne soient pas blessés afin de pourrir très vite dans les ménages. Mais l’autre question c’est qu’il y a des variétés qui sont tardives, qui résistent au temps, à la sècheresse. Et ces variétés-là vous les trouvez dans les régions des Collines, dans la Donga précisément à Copargo, Djougou et un peu vers Tchaourou.

L’igname, c’est aussi une spéculation qui dévaste les forêts. Qu’est-ce qui est fait ?

 

Nous avons des technologies aussi simples aujourd’hui pour tutoyer l’igname avec des plants vivants. On met des tuteurs vivants qu’on peut couper. Les plantes qui ont une croissance très rapide qu’on peut couper pour mettre de la lumière sur les parcelles. Mais aussi, vous savez, il y a les technologies liées à la rotation. Dès que vous finissez de faire l’igname, le coton comme le maïs passe très bien. Le soja peut passer, l’arachide après. Mais sur une ancienne parcelle sur laquelle vous mettez un peu de moucounan ou de plantes fertilisantes, si vous revenez planter l’igname ça marche. On fait simplement comme tête d’achoppement. Ici, on peut revenir sur l’ancienne parcelle et produire de l’igname de très bonne qualité, ce qu’il y a de nouveau dans notre agro technique aujourd’hui. Dans l’agro technique de l’igname, le facteur limitant c’est les « semenceaux » d’igname. Aujourd’hui, il y en a qui sont spécialisés dans la production des « semenceaux » d’igname. Avec des technologies de mini fragment, ils sont vite germés et mis en terre, on assure l’entretien végétatif. C’est suffisant pour aller alimenter une bute l’année prochaine. De cette façon, vous risquez de perdre 25 à 30% de la production, le paysan peut vendre allègrement ce qu’il a semé et trier les petites bulles pour produire des semences.

Monsieur le ministre, on vient maintenant sur le lac Ahémé. Le lac qui, entre temps, pourrissait d’engins prohibés. Aujourd’hui, vous avez fait une action salvatrice qui permet à ce lac de respirer. Ils sont encore de retour sur le plan d’eau ?

 

Nous sommes très têtus. Mais les comportements vertueux vont commencer par s’installer.

 

Et Comment ?

 

Par la persuasion des femmes de nos ménages qui, après avoir déguerpi tous ces engins prohibés, ont capturé des poissons de mer, des crabes et des crevettes. Elles vont nous aider à faire le combat contre les pollueurs.

 

Est-ce qu’il ne faut pas aller aux sanctions ?

 

Nous allons vraiment mettre de la pédagogie. Aujourd’hui, il est retenu qu’il faut aller à la création d’une brigade de surveillance de ces plans d’eau. Ça n’existait pas. Et pour le moment, nous utilisons la police fluviale pour faire des interventions sporadiques. Au niveau de nos directions départementales, les techniciens chargés de faire ce suivi aquacole ont reçu un minimum de financement pour intervenir et créer la force de gendarme. Après les brigades, nous allons procéder à la mise en place d’un programme d’assainissement cohérent surtout pour le lac Ahémé avec l’association pour le développement du lac Ahémé, avec les communautés pour que nous puissions avoir des zones de navigation là où on peut produire de poisson, là où on peut avoir accès facile aux sites touristiques et autres.

Mais s’agissant de l’aquaculture, nous ne sommes pas arrêtés là. Il y a une politique responsable qui a été mise en place pour aborder la question des alevins. Quelle qualité d’alevins nous avons ? Si la qualité que nous avons ne peut grossir en quatre mois, le pisciculteur perd de l’argent. Jusque-là les alevins dont nous disposons ont vieilli. Nous avons deux producteurs de géniteurs qui y travaillent. Il faudrait que chacun puisse avoir disons 40.000 géniteurs pour nous permettre de les utiliser périodiquement, de manière alternative. En ce moment, nous avons des alevins de très grandes qualités pour les grossir en cinq mois maximum. L’aliment du poisson c’est le bât qui blesse l’aquaculture. 65% des dépenses vont vers l’aliment. Nous importons tout. C’est vrai qu’il y a les technologies que nous allons développer ce jour pour apprendre aux gens à produire avec des formules variées. Si certains aquaculteurs arrivent à le faire, c’est bien. Mais nous avons donné l’autorisation à un entrepreneur pour installer une usine d’aliment de poisson à Dangbo. Lorsque cette usine va commencer par travailler, nous allons voir le prix de l’aliment à la baisse puisqu’on va soutenir l’exploitation. Et en ce moment, on ne nous vendra plus le poisson à 2100 le kg. On pourra même l’acheter à 1000 ou 1500 francs CFA maximum.

Troisième élément important, il faut fixer les gens à l’activité qui leur donne les raisons d’exister. L’an dernier, nous avions créé un village aquacole à Ouando Tokpa dans la vallée de l’Ouémé où nous disposons de 10 hectares. Nous avons travaillé sur plus de 4 à 5 hectares. L’alimentation de poisson se fait également là-bas. L’année en cours, nous avons acté d’installer deux autres villages aquacoles.

 

Est-ce qu’on pourra atteindre les 20 mille tonnes de poisson ?

 

De toutes les façons, les statistiques du moment rassurent. L’aquaculture nous donne déjà 8 à 9 mille tonnes par rapport à tout ce que nous avons enregistré comme chiffres il y a trois ans.

 

On fait quoi sur le lac Nokoué ?

 

Il est ouvert. Il est différent du lac Ahémé. Au jour d’aujourd’hui, le gouvernement a mis en place un dispositif d’assainissement des berges depuis la lagune de Cotonou, et on va continuer pour éviter que les gens y déversent à nouveau les déchets. Nous avons ouvert le chenal ici, après le premier pont. Nous avons fait sortir près de 3500 engins prohibés. Et les poissons migrent allègrement. Maintenant nous allons faire le plan d’occupation du lac Nokoué : Là où on peut mettre les acadja et autres engins ; Là où on va laisser passer les bateaux mouches et là où on peut accéder à des sites touristiques qui sont des destinations importantes pour gagner de l’argent au niveau de ces plans d’eau. Mieux, il y a aussi les techniques de gestion de la jacinthe d’eau pour assainir ce cadre de vie. Et que les gens qui habitent là vivent de leurs activités.

 

Alors monsieur le ministre, on nous reproche souvent d’importer du poisson alors que nous sommes un pays côtier. Est-ce que vous avez espoir qu’un jour vous allez pouvoir inverser la tendance ?

 

Nous allons inverser la tendance afin de réduire sensiblement les importations de poisson. Il va être important aussi d’encourager nos pisciculteurs à avoir des cycles de production plus courts et on pourra acheter chez eux des poissons de 300 grammes. C’est faisable en trois mois. Avec de bons éleveurs, on peut le faire. On commence par avoir un cycle assez rapide de gestion de leur pêcherie. La deuxième chose est sur la pêche maritime.

 

Les gens viennent pêcher dans nos eaux alors que nous en avons besoin

 

Nous distinguerons deux types de pêches maritimes. Il y a la pêche maritime industrielle et la perche maritime artisanale. La pêche maritime artisanale, elle seule, peut nous produire déjà plus de 60 mille de tonnes de poissons. Mais le gap est là. Que ferons-nous ? Nous projetons de construire des embarcadères et débarcadères au moins à trois niveaux de la côte pour permettre aux pécheurs de venir accoster, traiter leurs bateaux, leurs filets et repartir. Les embarcadères nouveaux seront mis à disposition des pêcheurs. Les pêcheurs seront dotés d’un système de tracking pour qu’en mer s’il y a un problème nous puissions leur porter secours. C’est d’abord ça que nous pouvons faire pour augmenter les chances de capter ce que la nature nous donne gratuitement comme richesse. Par contre, nous sommes dans une recherche positive, régionale, où nous voulons nous disposer d’une période VSM pour faire l’observation et voir les bateaux qui pêchent de façon illicite sur nos côtes. Mieux, je pense que progressivement nous allons vers des coopérations techniques qui nous permettraient de disposer ne serait-ce que d’engins d’étude et de surveillance pour que nos techniciens, nos inspecteurs puissent aller au fond de la mer et assurer la surveillance sur 125 km d’au moins.

Comment se porte véritablement le sous-secteur de l’élevage ?

 

Le secteur élevage renait très bien de ses cendres. Les dernières statistiques, à partir du dernier recensement de l’agriculture, nous révèlent 2 millions cinq cent mille tonnes de bovins et 3 millions deux cent mille tonnes de bovins et de caprins. Première chose, là-dessus, il y a des actions d’importance qui se mènent en termes de santé animale. La systématisation des vaccinations. Il y a des actions qui se mènent en termes de productivité à partir des inséminations artificielles. Nous avons un centre d’insémination artificielle bien équipé. Avec cette pratique, on va améliorer la productivité en viande et en lait. Ce qui est bon de noter ici, les pays qui avancent dans cette technologie n’ont pas eu les résultats que nous avons eus.

 

Pourquoi ?

 

Les jeunes ont appris le métier et l’ont pratiqué. Nous avons des scores de 80% de réussite. Ils sont 40 inséminateurs formés pour mener cette opération. Dans le même secteur, nous avons rapproché les services de vétérinaires des éleveurs. Ainsi, nous avons installé et autorisé 44 vétérinaires en clientèle privée pour renforcer le dispositif public. Aujourd’hui, nous avons démarré la construction du marché à bétail de Zè pour mettre de l’ordre dans la commercialisation des bœufs au sud du Bénin. Nous avons aussi renforcé les marchés à bétail de Banikoara, de Siki dans la commune Sinendé. Nous avons pu proscrire la transhumance interne et surtout la transhumance transfrontalière.

L’autre programme phare qui vient compenser la lutte contre la transhumance, c’est la sédentarisation des troupeaux à travers les cultures fourragères. Les animaux sont appelés à brouter sur place. Ils ne bougent donc pas. Cette forme d’élevage permet de gagner en poids par jour et sécurisent le troupeau. Beaucoup d’éleveurs disposent déjà de leurs champs fourragers sur plusieurs hectares. L’expérience sera progressivement généralisée. Nous avons déjà des appuis financiers dans ce sens. A terme, nous ambitionnons de confiner les troupeaux par commune. Les bêtes seront identifiables par commune si bien que des troupeaux d’une commune ne peuvent aller dans une autre commune. Mais ce que j’ai promis, on l’a déjà. C’est de pasteuriser le bloc en faisant des plants de séparation, en regarnissant le champ pour créer de Panicocekira des plantes qui produisent plus de légumineuse. Nous avons commencé. Pendant cette nouvelle saison de pluie, on va densifier cela. Il y a deux planteurs dans la commune de Bassila qui ont 25 hectares d’un seul tenant face à un certain projet de sédentarisation qui consiste premièrement à sécuriser un certain nombre de terre. Nous aurons à mettre en place un village d’éleveurs de mille hectares dans les environs de Gogounou. Les prospections sont en cours où on va aménager par dizaine d’hectares, installer des volontaires d’éleveurs. Nous allons les accompagner. On met les forages pour les besoins d’eaux.

Que deviendront ceux qui vivent de la transhumance ?

 

Qu’est-ce qu’on gagne à faire déplacer les animaux sur de très longues distances ? Au contraire, ils viennent fatigués et perdent presque tout ce qu’ils ont mangé. C’est peut-être un mode de vie pour certaines communautés. Mais il faut que ça change.

 

 

Qu’avez-vous à dire à la population parce que c’est l’heure de la moisson ?

 

Nous avons parlé du couvert végétal, de la production halieutique et animale, mais il y a des questions transversales qui aujourd’hui doivent être vues. L’irrigation de l’agriculture, les techniques de production intensive. La mécanisation, on en a parlé très rapidement. Mais il y a la digitalisation dans l’agriculture parce que c’est le secteur qui va le plus consommer les produits de la digitalisation des agents de la plateforme qui pourra référencer les terres pleins. Nous allons faire la cartographie de tous les exploitants de filière ananas dans les quatre zones productrices. Et, nous sommes en train de faire le recensement des maraichers sous forme de tracking qui permet de les suivre dans 25 communes identifiées. La deuxième chose avec la digitalisation, nous allons à une meilleure approche de conseils agricoles. Nous avons équipé des agents avec des portables, alimentés par l’énergie solaire, pour dérouler ces bandes-là dans les villages. De l’animation pour permettre de faire le changement de comportement. Une chose dont on rêve existe aujourd’hui, la finance digitale après tout. Nous avons pris l’exemple sur les producteurs du riz qui sont traqués et on a activé le porte-monnaie électronique. S’il faut commander, c’est à travers ce dispositif de smartphone. S’ils ont des produits à placer qu’ils nous le disent en même temps.

Nous avons dans cinq communes comme Covè, Zagnanado, Grand-Popo mis en place un dispositif qui impacte au moins trois à cinq riziculteurs.

Sur l’agriculture, nous devons pouvoir être fiers de notre pays. Etre au moins fier de notre gouvernement. Le gouvernement est arrivé à donner à chaque terroir la capacité de révéler son potentiel. On ne peut tout faire à la fois. Les zones qui peuvent produire le mieux telle ou telle spéculation le feront. Et les acteurs commerciaux vont assurer les échanges entre les différentes régions. C’est un travail à la chaine.

La transformation agroalimentaire aujourd’hui est un impératif. Nous devons apporter de la valeur ajoutée. Les interprofessions agricoles, c’est déjà une réalité. Mais le système cross storing autour des agriculteurs pour les impacter, est déjà une réalité. Je voudrais que nous puissions nous faire confiance mutuellement. Chacun se professionnalise dans un domaine et la suite on reprend. En chaine, nous créerons de la valeur ajoutée. Je crois que le Bénin gagnera et le Béninois pourra manger à sa faim.

 

Le 1er août 2020. Ce sera le 60è anniversaire de notre indépendance. Je voudrais motiver tous les producteurs à tenir compte de cette date pour que le plat de ce jour-là soit made in Bénin.

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