Réforme du secteur de la décentralisation: des SE frappés par un syndrome de médiocrité
Le Président de la République, Patrice Talon a rêvé la réforme. Avec son gouvernement, il a su mettre les mots sur les maux qui entravent la marche du développement des communes. Au parlement, le discours présidentiel a reçu un écho favorable. Puis, s’est ouverte une ère de réforme. En effet, cela fait déjà quelques mois que la loi n°2021-14 du 20 décembre 2021 portant code de l’Administration territoriale en République du Bénin est entrée en vigueur. Avec cette loi qui a généré une refonte absolue du modèle de gouvernance locale, les populations n’ont pu s’empêcher d’exulter. Dans l’esprit, la réforme sépare les fonctions techniques des fonctions politiques au sein des mairies. Quelle bonne nouvelle pour les populations maintenues captives des intrigues politiques et autres conflits d’intérêts ! Le 28 janvier 2022, la Convention de partenariat Gouvernement-Communes a été signée par le ministre d’État chargé du Développement et de la Coordination de l’Action Gouvernementale, Abdoulaye Bio Tchané et le Président de l’Ancb, Luc Sètondji Atrokpo. L’objectif visé par cette convention, est de tracer un cadre de coopération et de transparence pour une mise en œuvre efficace de la réforme structurelle du secteur de la Décentralisation telle qu’en dispose la loi N° 2021-14 du 20 décembre 2021 portant Code de l’Administration Territoriale du Bénin. Un peu plus tôt, le ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance locale, Raphaël Akotègnon, a expliqué le bien-fondé de la réforme. « Contrairement aux idées répandues dans l’opinion publique, la réforme est initiée pour renforcer et dépolitiser l’administration communale. Les communes conservent la plénitude de leurs compétences. Le maire demeure la première autorité politico-administrative de la commune. Il est renforcé dans sa position par l’instauration d’un nouvel organe dénommé le conseil de supervision composé du maire, des adjoints aux maires et des présidents de commissions permanentes, désormais au nombre de quatre (4) dans toutes les communes. Cet organe présidé par le maire adopte les documents budgétaires et de planification du développement local avant leur soumission au conseil communal pour validation. Un secrétaire exécutif sera nommé par arrêté du Maire après tirage au sort dans le fichier national des principales fonctions administratives de mairie », a expliqué dans l’Alibori, le jeudi 25 novembre 2021, Raphaël Akotègnon lors d’une tournée d’échanges et d’explication dans les communes au Nord. Mais depuis, les discours ont laissé place aux actes. Les Secrétaires Exécutifs (Se) et les cadres techniques ont été sélectionnés à l’issue d’une phase de composition et de tirage au sort. Des craintes légitimesIls sont depuis installés dans leurs fonctions. Ils, ce sont les Secrétaires Exécutifs (Se). Ils sont les nouveaux patrons de l’administration communale. Ils exercent d’ailleurs leur pouvoir. Le législateur a même fait d’eux des ordonnateurs du budget, ce qui n’avait pas manqué de susciter quelques remous chez les maires. Si la vision et les objectifs poursuivis par les géniteurs de la réforme structurelle du secteur de la décentralisation sont nobles, des mois après l’entrée en fonction des nouveaux SE, il est important d’évaluer leurs actions. D’abord, il est important que convenir de ce que les SE ont été sélectionnés au bout d’un processus marqué par des critères précis. Dans les 77 communes du Bénin, des critères, défis, attentes et perspectives ont gouverné le choix et le déploiement des Se. Selon qu’il s’agit d’une commune à statut particulier, d’une commune à statut intermédiaire ou d’une commune ordinaire, les SE ont été choisis conséquemment. Mais le bon profil accouché sur du papier n’a toujours pas été le reflet du rendement sur le champ pratique. C’est ici, que des craintes légitimes sont nées dans le rang de certains citoyens. Les premiers pas de certains SE font déjà douter certains observateurs avertis et en premier, certains élus communaux et certains maires. En effet, au niveau de certaines communes, certains Secrétaires Exécutif n’ont pas encore réussi à prendre le pli. Une véritable salade russe mélangée à de l’huile rouge. C’est un peu caricatural, mais c’est bien l’image que renvoie certains SE dans la gestion des affaires réputées basiques. Le moins que l’on puisse dire est que nombre d’entre eux n’étaient pas au sein des communes. Mais cette excuse est tombée. Puisque cela fait déjà des mois qu’ils y sont bien installés dans leurs pleins pouvoirs. Certains Secrétaires Exécutifs qui n’ont jamais fait leur expérience professionnelle dans l’administration communale pour en maîtriser les modes opératoires et les spécificités sont encore dépaysés. Dès lors, l’on passe le clair de son temps à se chercher les repères dans un monde que l’on n’avait jamais connu. Selon certaines sources contactées dans plusieurs communes, certains Secrétaires Exécutifs n’ont pas été capables de dresser, selon les normes et formats standards, un simple procès-verbal de session communale. À cela, les sources renseignent qu’il y a un tohu-bohu de maladresse et/ou d’incompréhension ou encore de mauvaises interprétations de certains articles sur les collectivités territoriales. Des prises de bec à peine voilées entre SE et maires sont fréquentes au sein de plusieurs communes. Selon nos sources, même si personne n’ose pour le moment mettre publiquement l’accent sur la carence technique notée chez certains Secrétaires Exécutifs au sein des communes, si rien n’est fait pour corriger le tir, la piètre prestation des Se finira par saper les objectifs de la réforme structurelle du secteur de la décentralisation. Aujourd’hui plus qu’hier, les couloirs des mairies sont devenus des lieux de murmure où des agents et des élus se posent des questions sur la destination au vu des balbutiements notés chez ces SE. Vivement que la gouvernance locale ne prenne pas un gros coup dans un contexte de carence incurable.
Brivaël Klokpê Sogbovi