Affaire »Conflit d’intérêts, fraude dans les marchés publics et abus de fonction » à la Cbdh : CRIET : le couple pastoral Eliel et cie libérés
Les épisodes s’enchaînent dans le feuilleton judiciaire lancé dans la fameuse affaire de conflits d’intérêts, fraude dans les marchés publics et abus de fonction à la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh).
Après huit jours de garde à vue à la Brigade économique et financière (Bef), Clément Capo-Chichi, président de la Cbdh, principal accusé dans l’affaire sus évoquée, et d’autres coaccusés, ont été présentés au procureur Spécial de la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) le jeudi 13 juin 2024. Il s’agit de Clément Capo-Chichi, de son épouse Madame Capo-Chichi, de Madame Eliel, de Monsieur Azanhoue, de Madame Sidi et des membres du BE. Par contre, des absences ont été aussi signalées au parquet spécial de la CRIET.
Il s’agit de la Prmp Mme Denadi et du Pasteur Maxime Eliel. Selon nos sources, au terme des échanges marqués par des phases de suspension, et tenant compte du délai règlementaire des 8 jours de garde à vue, le Procureur Spécial de la CRIET a décidé de libérer toutes les personnes poursuivies. Cependant, les mêmes personnes sont toutes mises sous convocation pour les enquêtes complémentaires.
Cette décision du Procureur spécial de la CRIET qui a ordonné une enquête approfondie a ainsi permis au président Clément Capo-Chichi, à l’ensemble des personnes poursuivies de regagner leurs domiciles. Elles devront se présenter à nouveau devant la Bef aux dates indiquées dans leurs différentes convocations. Une source proche du dossier précise que le procureur spécial de la CRIET tient à ce que la Bef fasse un focus sur les différents marchés passés et le degré d’implication des commissaires dans chacun des marchés publics attribués à des prestataires à la Cbdh.
Si le procureur a prescrit cette enquête approfondie sur les marchés publics passés, ce n’est pas anodin. Le président Clément Capo-Chichi s’est retrouvé dans le champ de tir de certains de ses collègues commissaires pour ses supposées mains trempées dans deux marchés essentiellement. Ses liens de proximité religieuse ont d’ailleurs été évoqués pour corroborer les accusations. Mais le tableau des faits n’a visiblement convaincu l’appareil judiciaire qui vient d’ordonner cette enquête approfondie.
Seulement 2 marchés querellés sur le cas Capo-Chichi
Les plaignants tablent sur les liens de chrétienté qui existeraient entre le président de la Cbdh Isidore Clément Capo-Chichi et le couple pastoral Eliel. Au total, deux marchés ont été attribués à la société « ELIEL & FILS SARL ». Le Dei du journal Le Potentiel apprend que ces marchés ont été attribués à ladite société par la Commission d’ouverture et dévaluation (COE). Il s’agit des contrats de marché n°3934/MEF/CBDH/PRMP/DNCMP du 13 novembre 2020 et n°4176/MEF/CBDH/PRMP/DNCMP du 28 octobre 2021 avec pour prestataire, la société ELIEL & FILS SARL, représentée par sa gérante statutaire, madame Fifamé Adéline AGBANGLA épouse ELIEL pour des montants respectivement de trois millions neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille deux cents (3.999.200) FCFA TTC et de huit millions quarante mille six cent cinquante (8.040.650) francs CFA TTC.
Certaines sources sont formelles. Les deux marchés sus évoqués, ont été attribués et exécutés sans la moindre ingérence de la part du Président de la Cbdh.
Pour motiver cette position tranchée, les sources précisent que ces marchés ont été attribués par des Commissions d’ouverture et dévaluation dans lesquelles ont siégé en septembre 2020 monsieur Christophe HOUESSIONON, Trésorier général, et le représentant du Directeur Administratif et Financier, Madame Morelle HOUESSIONON, Chargé du Matériel, présenté comme fille du Trésorier Général en octobre 2021.
Curieuse fixation sur deux marchés dans un gros panier de marchés distribués
Les deux marchés attribués par la Coe à l’entreprise Eliel & fils sarl sont visiblement le point d’attention des commissaires plaignants. Au-delà du caractère suspect de l’obstination des frondeurs, les statistiques relatives aux marchés passés viennent davantage jeter le doute sur les réelles intentions des plaignants. La lecture du tableau renseigne sur le niveau d’exécution des marchés de 2020 à 2023 remet au goût du jour les doutes. Au titre de l’année 2020, sur 19 marchés à la CBDH pour un total de 52.194.266 francs CFA, la société ELIEL & FILS SARL a soumissionné, gagné et exécuté un marché d’un montant de trois millions neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille deux cents (3.999.200) FCFA TTC.
Au titre de l’année 2021 sur 18 marchés à la CBDH pour un total de 92.884.039 francs CFA la société ELIEL &FILS SARL a soumissionné, gagné et exécuté un marché de huit millions quarante mille six cent cinquante (8.040.650) francs CFA TTC ; au titre de l’année 2022, la société ELIEL &FILS SARL n’a obtenu aucun marché auprès de la CBDH ; au titre de l’année 2023, la société ELIEL &FILS SARL n’a obtenu aucun marché auprès de la CBDH ; au titre de l’année 2024 la société ELIEL &FILS SARL n’a obtenu aucun marché auprès de la CBDH.
Ces statistiques renvoient à une autre question. Celle de savoir si, Isidore Clément Capo-Chichi qui a bouclé cinq années à la Présidence de la Commission Béninoise des Droits de l’homme, n’aurait pas favorisé ses proches que pour deux marchés sur près d’une centaine attribuée par son institution et ceci pour un montant total de 12.039.850 francs CFA au mépris de sa probité.
Répondre par l’affirmatif à cette question est peu probable pour qui connait les effets réels de la pratique des conflits d’intérêts et de favoritisme sur la chaîne de la commande publique où plusieurs milliards sont souvent en jeu.
Plusieurs dizaines de millions sur plusieurs marchés attribués à d’autres entreprises
À la Cbdh, plusieurs marchés sont passés. Les entreprises qui gagnent ces marchés de plusieurs millions de francs CFA les exécutent sans réveiller dans le rang des commissaires la fronde. Le tableau renseignant sur le niveau d’exécution des marchés de 2020 à 2023 consulté par le Dei du journal Le Potentiel est expressif. Ce tableau révèle par exemple une récurrence des marchés attribués à une entreprise.
Et pourtant, le fait que cette même entreprise ait gagné et exécuté plusieurs marchés n’a éveillé aucune attention chez les commissaires frondeurs. En effet, au titre de l’année de 2020, l’entreprise Cap succès a obtenu un marché de 5.481.200 francs CFA au mois de septembre et un autre de 2.497.200 au mois de novembre ; au titre de l’année de 2021 elle a obtenu un marché d’un montant de 8.898.984 francs CFA ; au titre de l’année de 2022 elle a obtenu un marché d’un montant de 8.898.984 francs CFA.
Dans tous ces marchés, les commissaires plaignants n’ont apparemment constaté aucune irrégularité alors même que ces marchés ont été attribués par les mêmes Comités d’ouverture et d’évaluation (années 2020 et 2021). Les commissaires plaignants n’ont pas aussi trouvé l’ingérence du président Isidore Clément Capo-Chichi dans ces marchés attribués à cette entreprise. Dans cette logique, les Ets BENARES ont obtenu un marché d’un montant de 24.126.478 francs CFA au titre de l’année 2021 dans les mêmes conditions sans susciter l’intérêt des commissaires plaignants.
Ces cas ne sont que quelques exemples tirés du tableau des marchés passés et exécutés à la Cbdh. Isidore Clément Capo-Chichi, la victime d’une machination collective ourdie par des collègues commissaires à la Cbdh? Les faits étalés montrent à bien des égards la fragilité des accusations portées contre le président de la Cbdh Isidore Clément Capo-Chichi. D’ailleurs, les charges qui pèsent sur Isidore Clément Capo-Chichi et qui sembleraient tirer leur fondement dans la décision n°2024-050/ARMP/PR-CR/CD/SP/DRA/SA du 18 avril 2024 rendue par l’Autorité de Régulation des Marchés Publics, sont dans le viseur des avocats conseil.
Le Dei apprend que cette décision est déférée devant la chambre administrative de la Cour suprême par une requête en date du 22 mai 2024. La remise en liberté de toutes les personnes poursuivies dans le dossier Cbdh est de nature à amener les uns et les autres à s’interroger. Avec l’état des lieux des marchés publics attribués dans la structure, le procureur spécial de la CRIET a vu juste en ordonnant une enquête approfondie.
Cette enquête pourra sans doute révéler les conditions dans lesquelles les mêmes entreprises ont pu gagner plusieurs dizaines de millions de marchés publics, et le niveau d’implication des commissaires ‘’plaignants » dans la passation de ces marchés.
À cette allure, des souillures pourraient surgir et remettre sur le banc des accusés, ceux qui aujourd’hui sont des plaignants. À suivre…
Brivaël Klokpê Sogbovi