Chefferie traditionnelle : Le royaume de Saxè réclame sa place historique

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La réforme en cours sur l’encadrement de la chefferie traditionnelle au Bénin suscite des interrogations et des contestations, notamment du côté des spécialistes du patrimoine. Comlan Pacôme Allomakpé, juriste et gestionnaire du patrimoine culturel, s’inquiète d’une éventuelle falsification de l’histoire, en raison de l’exclusion du royaume de Saxè du projet de loi en discussion à l’Assemblée nationale.

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Selon lui, l’oubli de ce royaume dans le texte est un non-sens historique. «Nous avons consulté des documents scientifiques qui prouvent que Saxè a bien existé en tant que royaume structuré dès les années 1500», affirme-t-il en s’appuyant sur une étude du Département d’histoire et d’archéologie de l’Université d’Abomey-Calavi. Ce travail de référence recense 19 royaumes dans le Bénin précolonial, dont Saxè, fondé par la communauté Xwéda.

Pacôme Allomakpé rappelle que ce royaume prospère a été conquis en 1727 par le roi Agadja, qui cherchait à sécuriser un accès à la côte pour le commerce négrier. Mais il souligne qu’une conquête militaire ne saurait effacer l’existence d’un peuple et d’une culture. « Une loi ne doit pas contribuer à la suppression d’un pan patrimonial », insiste-t-il, appelant plutôt à une revalorisation et une restitution de Saxè dans le cadre du projet de loi.

Au-delà de l’enjeu historique, l’expert met en garde contre l’impact social d’une telle omission. « Une loi du genre devrait rester un instrument de paix et de cohésion sociale », affirme-t-il. Il invite les décideurs à s’inspirer d’autres nations qui, loin d’effacer leur passé, le valorisent à travers des politiques culturelles audacieuses.

Intégralité de son opinion

«Il ne s’agit pas qu’un royaume en conquière un autre pour qu’il disparaisse»

Je suis très heureux d’apprendre la poursuite de la manifestation de la volonté politique en faveur de la promotion et de la valorisation du patrimoine culturel béninois. Vous savez, lorsqu’on fait un bilan à mi-parcours de la gouvernance de l’actuel président de la République, les acteurs du patrimoine constatent que, sous son leadership, le Bénin a connu des avancées majeures, notamment :

  • L’inscription de biens sur la liste du patrimoine de l’UNESCO,
  • L’adoption de lois et de leurs décrets d’application pour une meilleure gestion du patrimoine culturel,
  • La création de plusieurs agences dédiées
  • Le développement de projets structurants, comme la construction de musées et d’arènes Vodun,
  • L’intégration de l’événementiel patrimonial, avec notamment les Vodun Days 2025.

Nous sommes également heureux de constater que le gouvernement œuvre à l’organisation et à la structuration du monde de la chefferie traditionnelle. À cet effet, un projet de loi est actuellement en cours de vote à l’Assemblée nationale. Celui-ci vise à mettre de l’ordre dans un domaine où de nombreuses personnes se sont autoproclamées rois, alors même que leur communauté ne reconnaît pas de système royal dans son histoire.
Toutefois, une loi de ce genre devrait avant tout être un outil de paix et de cohésion sociale, au service de la valorisation et de la promotion du patrimoine culturel.

La reconnaissance des royaumes historiques

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Nous avons consulté plusieurs documents qui permettent d’avoir une idée claire des systèmes royaux au Bénin. Un collectif de scientifiques, historiens et archéologues de l’Université d’Abomey-Calavi a mené une étude approfondie sur l’historicité des espaces de pouvoir en République du Bénin.

Dans ce travail, il est précisé (notamment à la page 271) que le Bénin a connu 19 royaumes sur toute son étendue territoriale. Parmi ceux-ci, le royaume de Saxè, fondé par la communauté Xwéda, est clairement mentionné dans l’aire culturelle Adja-Tado.

Les recherches démontrent que dès les années 1500, le royaume Xwéda était structuré et administrait la côte de l’actuel Ouidah, ainsi que les populations de Ouidah, Guézin et une partie de Kpomassè. Il assurait cette gestion dans un cadre de paix et de prospérité.

Un pan de l’histoire qu’il ne faut pas effacer

Malheureusement, en 1727, le royaume de Saxè a été conquis par le roi Agadja de Danxomè, désireux d’accéder à la côte pour favoriser la traite négrière. Toutefois, la conquête d’un royaume ne devrait pas entraîner son effacement de la mémoire collective.

Des reliques de ce royaume ont été retrouvées sur son site d’origine et certaines font aujourd’hui partie du patrimoine muséal du Musée d’Histoire de Ouidah. Lors des fouilles archéologiques menées par le professeur Didier N’dah en 1992, dans le cadre de l’événement Ouidah 92, plusieurs objets de collection issus du palais royal de Saxè ont été mis au jour et exposés.

Un impératif de revalorisation

En tant que gestionnaire du patrimoine culturel, je considère qu’il n’est pas acceptable que l’histoire d’un royaume soit ignorée sous prétexte qu’il a été conquis. Lorsqu’un État entreprend une réforme majeure visant à restaurer les systèmes royaux, il doit éviter d’exclure certains royaumes de la reconnaissance officielle.

Si cette loi ignore l’existence de Saxè, nous serons nous-mêmes acteurs de la suppression d’un pan essentiel du patrimoine béninois.

Au contraire, une telle loi devrait œuvrer à la restitution, la reconstitution et la revalorisation des royaumes disparus, afin qu’ils deviennent des pôles d’attraction et de développement pour le pays.

Comlan Pacôme Allomakpé

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